
George El-Nabawi, immense star de cinéma, mène une vie fastueuse, assis sur sa célébrité, quand les hautes autorités égyptiennes le contraignent subitement à jouer dans un film dédié à la gloire du président al-Sissi. Une demande qu’il accepte pour préserver ses proches, mais surtout pour assurer sa propre survie. Introduit par un générique où défilent des affiches de l’âge d’or du cinéma égyptien, Les Aigles de la République annonce d’emblée une mise en abîme alléchante, un vertigineux jeu de rôles construit autour de la figure de George (que campe l’extraordinaire Fares Fares, acteur fétiche de Tarik Saleh).
Inconditionnel menteur, dans la sphère privée comme dans sa vie publique, celui qu’on surnomme « le pharaon de l’écran » n’existe qu’à travers le miroir qu’on lui tend, jusqu’à ce que la qualité de son jeu – et par là-même sa foi en la République – soit remise en question. « Jusqu’où peut-on travestir ses convictions profondes ? », s’interroge le troisième et dernier volet d’une trilogie à la noirceur glaçante.
Où se situe la bascule, ici littéralement vitale, entre le séduisant décor de cinéma et le fragile espace privé ? Tarik Saleh sait décidément donner de l’étoffe à ses films, dont les décors installent un luxe capiteux, propice aux manigances politiques et aux vérités étouffées. De plans larges très composés – qui raconte les enjeux de puissance au sein d’un univers quasi-exclusivement masculin –, le cinéaste glisse vers des cadres bien plus serrés, tremblant par endroits de la vulnérabilité de leur protagoniste. Un épisode final aussi terrifiant que grandiose, que portent une troupe d’acteurs épatants – dont Fares Fares, Zineb Triki, Amr Waked, Lyna Khoudri… – sous les divers masques qu’ils proposent à l’écran.
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