CANNES 2025 · « Eddington » d’Ari Aster : un néo-western sur le chaos contemporain

Sélectionné en Compétition pour la première fois, Ari Aster (« Midsomma »r) emmène son cinéma vers un genre nouveau – le western psychologique ? – et fait vivre à Joaquin Phoenix un second trip halluciné, d’une actualité confondante.


Eddington
© A24 Film

Confinés dans une bourgade du Nouveau-Mexique, en pleine épidémie de COVID, le shérif Joe Cross (Joaquin Phoenix) et le maire Ted Garcia (Pedro Pascal) se livrent à un duel impitoyable pour le pouvoir, sur fond de conspirationnisme et de montée des extrémismes. Louise (que campe Emma Stone) présente bientôt un maître spirituel à Joe, son époux.

On comprend pourquoi Ari Aster souhaite désormais délaisser le cinéma d’horreur : la polarisation exacerbée de nos sociétés lui donne manifestement matière suffisante à sonder nos angoisses contemporaines. Et quelle foldinguerie souvent hyper réaliste que ce Eddington, quatrième long qu’on ne pourrait toutefois qualifier de dystopique puisqu’il puise très directement dans notre passé proche – avec des archives TV relatant l’assassinat de George Floyd ou l’utilisation compulsive de réseaux sociaux existants – pour orchestrer ce western qui fait se croiser diatribe politique et crise psycho.

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Si le parallélisme peut d’abord paraître incongru, difficile de ne pas penser au Dossier 137 de Dominik Moll, également en lice pour la Palme d’or et surtout nourri d’une même obsession pour la puissance des images dans un contexte de violences policières. Car sous ses atours de fiction – que travaillent une ambiance sonore immersive, des mouvements de caméra archi léchés, un montage elliptique et un jeu d’acteur un peu outré –, emblématiques du cinéma d’Ari Aster, Eddington ne dit rien d’autre que le réel. Téléphone à la main, chacun se fait le témoin allègre des dérives de son voisin en une ronde infernale qui voit se consumer une ville tout entière.

Cet individualisme crasse anime chacun des personnages (dont Austin Butler, dans un rôle délicieux), et remet inlassablement une pièce dans la machine, à l’exacte manière des notifications reçues par flots sur leurs écrans. Une course folle où s’inscrit à nouveau, après Beau Is Afraid (2023), un rapport pathologique à la figure maternelle, soit l’indicateur fiable d’un monde en dégringolade.

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