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Lolita Chammah, baptême du feu

  • Laura Tuillier
  • 2014-12-17

Lorsqu’elle arrive devant le café où nous avons rendez-vous, mèches rousses échappées d’une chapka en fourrure noire, l’impression est saisissante, même s’il faut passer outre : Lolita Chammah ressemble à Isabelle Huppert, sa mère, mais, de la même façon qu’elle ne porte pas son nom, elle ne joue pas du tout sur le même registre, et c’est tant mieux. Dans Gaby Baby Doll, le troisième long métrage de Sophie Letourneur, l’actrice construit un personnage très étonnant, moue dubitative et corps nonchalant, et porte le film de la légèreté à une angoisse enfantine étonnante. Le défi était grand pour Lolita Chammah puisque Gaby est de tous les plans, et souvent seule dans le cadre. Et si la précision de son jeu prouve que l’actrice avait les épaules pour le rôle, elle a quand même besoin d’être rassurée : « Je ne suis pas sûre de moi. Un premier rôle c’est formidable, mais c’est aussi de la solitude, on sait que l’on va être au centre des regards. » Ces regards, Lolita Chammah semble en avoir besoin autant qu’elle les craint. D’où peut-être son début de carrière en douceur, avec une série de seconds rôles discrets mais impeccables. En 2010, elle joue la fille de sa mère dans Copacabana de Marc Fitoussi, façon d’exorciser une fois pour toutes l’héritage familial. « Au début, j’avais l’impression étrange d’une intimité dérobée. Mais, rapidement, on s’est trouvées face à face, comme deux actrices. »

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Cette même année, on la remarque dans Memory Lane de Mikhaël Hers, portrait mélancolique d’un groupe d’amis en train de passer à l’âge adulte. Un film qui pose, dans un tout autre style, la même interrogation que Gaby Baby Doll : comment grandir ? L’actrice analyse d’ailleurs très bien ce qui fait la singularité de cette héroïne romantique : « C’est une fille ultra comique et ultra tragique. Elle mange n’importe quoi, elle fait pipi partout, elle est d’un abandon absolu, comme un enfant. » La question de la fin de l’enfance taraudait justement Lolita Chammah lors de sa rencontre, il y a quelques années, avec Sophie Letourneur. « J’ai l’impression que c’est notre amitié qui a donné naissance au personnage de Gaby. Je ne veux pas trop m’avancer, mais il me semble que Sophie a trouvé en moi un alter ego cinématographique. Gaby, c’est une fusion entre elle et moi. » Le projet mûrit pendant quelques années, comme les deux amies. Lorsqu’elles se retrouvent pour tourner, Sophie Letourneur remet à Lolita Chammah un scénario dont il faudra pourtant rapidement s’éloigner : « Sophie a une façon particulière de travailler, basée sur de l’improvisation en amont, puis sur un texte très précis à respecter scrupuleusement au tournage. » L’actrice se souvient d’un tournage « exigeant, sans répit », un baptême du feu en quelque sorte. Car Chammah a beau fréquenter les plateaux depuis l’enfance – elle tient des petits rôles au côté de sa mère dans Une affaire de femme de Claude Chabrol et dans Malina de Werner Schroeter – et avoir fait ses vrais débuts à 15 ans dans La Vie moderne de Laurence Ferreira Barbosa, elle ne sent pas invulnérable pour autant.

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FAIRE SES PREUVES

« Le métier d’actrice est fragilisant. Jouer est une épreuve, même si ça fait enfant gâtée de dire ça. Ce qu’il y a autour du cinéma est violent aussi, cette quête effrénée pour susciter le désir est angoissante. Il y a tellement d’acteurs, il faut trouver son endroit à soi. » Pour trouver cet ancrage, Lolita Chammah a préféré prendre son temps. Un passage heureux par le conservatoire du Ve arrondissement, puis c’est l’école supérieure d’art dramatique de Strasbourg (TNS), qu’elle abandonne avant la fin du cursus parce qu’elle ne s’y sent pas bien. Dès lors, elle fraye avec le jeune cinéma français. Ses copains s’appellent Virgil Vernier, Guillaume Brac ou Katell Quillévéré. « On a toujours envie de circuler, de n’appartenir à rien ni à personne. Mais je suis heureuse de croiser ces gens-là. Le cinéma d’auteur, c’est davantage mon truc que les grosses comédies. » Fréquenter une bande, certes, mais aussi faire ses preuves en solitaire, pour que l’apprentissage soit complet. Lolita se transformera dans les prochains mois en Marilyn, seule en scène pour donner à entendre les Fragments écrits par l’actrice tout au long de sa vie. Son admiration pour cette autre baby doll remonte aux Hommes préfèrent les blondes, un de ses premiers souvenirs de cinéma. Et d’enfance, forcément.

Gaby Baby Doll
de Sophie Letourneur (1h28)
avec Lolita Chammah, Benjamin Biolay…

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