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Podcast : Marin Karmitz se livre dans "À voix nue" sur France Culture

  • Enora Abry
  • 2023-12-13

Cinéaste, producteur, distributeur et fondateur de mk2 : Marin Karmitz a porté toutes ces casquettes afin de faire émerger “une autre idée du cinéma”, plus ouvert et engagé. Au micro de France Culture, dans l’émission “A voix nue”, il raconte son histoire.

"Quand j'ai réalisé que je voulais faire du cinéma, je suis allé voir Louis Daquin [réalisateur et scénariste français, qui a notamment signé Nous les gosses (1941), ou Bel-Ami (1955), ndlr]. Et il m'a dit : "surtout, ne fais pas de cinéma !'' J'ai retrouvé des notes de cette rencontre, où je le maltraite et où je dis : je le ferai quand même."

C'est ainsi que Marin Karmitz raconte le commencement de son épopée cinématographique au micro de l'émission de France Culture "À voix nue". Tout au long de ces cinq entretiens, le fondateur de mk2 (qui édite ce magazine) détaille les grandes périodes de sa vie.

ÉTRANGER RÉSIDENT

L'histoire débute en pleine Seconde Guerre mondiale. Le père de Marin Karmitz travaille alors dans une prospère entreprise familiale de pharmacie-chimie. D'origine juive, la famille assiste à l’arrivée au pouvoir d’un allié d’Hitler, Ion Antonescu, en 1940. Quand la guerre s’achève en 1945 et que les communistes reprennent la tête de l'État, la famille décide de fuir en vendant ce qui leur reste contre des passeports, et arrivent en France, à Nice. Le jeune Marin Karmitz découvre alors les bancs de l’école  et son amour pour la littérature, la musique et la philosophie. “Mais je n’étais pas bon” , explique-t-il au micro de France Culture. “Je n’étais pas bon écrivain et je ne pouvais pas être musicien car j’avais une oreille épouvantable. Tous ces métiers m’étaient interdits.”

Tant pis pour les romans ou les chansons, c’est le septième art qui retiendra son attention lorsqu’il découvre par hasard que l’on tourne un film au coin de sa rue : Si Versailles m’était conté (1954) de Sacha Guitry. “Je suis resté deux ou trois nuits à regarder. Ce n’était pas l’image finale qui me fascinait mais le fait de voir des gens mettre en scène quelque chose” . Trois ans plus tard, il intègre l’IDHEC (ancien nom de la FEMIS) pour une formation de chef opérateur. 

UNE AUTRE IDÉE DU CINÉMA

Dès ses premières années, Marin Karmitz collabore avec des grands noms du cinéma. Il assiste Jean-Luc Godard sur le segment "La Paresse" du film collaboratif Les Sept Péchés capitaux, participe au tournage de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, commande un scénario à Marguerite Duras pour son court-métrage Nuit noire. Calcutta et adapte la pièce Comédie de Samuel Beckett. Puis signe un premier long : 7 jours ailleurs, en 1969. “C’est un film sur mes états d’âmes, sur ma difficulté face à la société de consommation. ”

Le jeune cinéaste commence alors à réfléchir intensément au sens et au pouvoir du cinéma. “Je me suis posé la question : est-ce qu'un cinéaste doit rester enfermé dans ses obsessions ? Ou au contraire doit-il donner la parole aux gens qui ne l’ont pas ?” 

Energisé par les secousses politiques provoquées par Mai 1968, Marin Karmitz réalise Camarades (1969) - sur un jeune ouvrier qui milite pour ses conditions de travail - puis Coup pour coup (1972). Ce dernier raconte l’histoire d’ouvrières qui décident de séquestrer leur patron. “Ça a fait un scandale monstrueux car les syndicats et le patronat se sentaient mis en cause.” Suite à diverses pressions, Marin Karmitz abandonne sa caméra et se lance dans la production, la distribution et l’exploitation de salles en montant sa propre société : mk2.

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L’idée est toujours la même : défendre les voix des opprimés, et mettre en lumière les sujets oubliés. En 1977, il distribue Padre Pardone de Paolo et Vittori Taviani (Palme d’or 1977) sur un relation d’emprise entre un père et son fils, puis L’Amour Violé de Yannick Bellon, “qui est certainement l’un des premiers films à traiter véritablement du viol” , ou encore Le Saut dans le vide de Marco Bellocchio, sur la folie. “Je n’ai jamais considéré le cinéma simplement comme du cinéma. Pour moi c’est un instrument qui permet une ouverture sur le monde, sur les autres”, explique-t-il.

Parmi les cinéastes produits par Marin Karmitz, on retrouve Claude Chabrol (Merci pour le chocolat, L'Enfer), Alain Resnais (Melo), Louis Malle (Au revoir les enfants), ou encore Krzysztof Kieślowski (la trilogie Trois Couleurs).

Pour Marin Karmitz, la salle de cinéma mk2 - dont la première a été ouverte à Bastille en 1974 - doit être pensée dans une perspective de décloisonnement. “Il faut que ce soit mélangé avec de la littérature, de la musique… Ce n’est pas simplement un cinéma mais un lieu militant de contre-culture.”

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Aujourd’hui, une dizaine de salles ont été ouvertes à Paris. Marin ne dirige plus cette entreprise qu’il a cédée à ses fils, mais cela ne l’empêche pas de continuer à transmettre ses passions, notamment la photographie. En témoigne l'exposition Corps à Corps, histoire(s) de la photographie, à voir à Beaubourg jusqu’au 25 mars, qui présente certains clichés de sa précieuse collection.

Créer et transmettre sont deux moyens pour Marin “d'affronter la mort”. “Si tu te projettes dans la vie, tu transmets. Car transmettre c’est d’abord mettre en mouvement. Alors oui c’est mon moyen d’affronter la mort, ce qui est un peu étrange car, depuis la guerre et mon déracinement, je me suis toujours considéré comme un mort-vivant.” 

Pour écouter l'émission A voix nue, c'est par ici.

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