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« Les 7 samouraïs » d’Akira Kurosawa : l'honneur retrouvé

  • Justine Carbon et Léa André-Sarreau
  • 2024-06-25

[CRITIQUE] [OLDIES] Le quatorzième film du cinéaste nippon, qui lui valut une reconnaissance internationale, est une splendide reconstitution historique, et un conte humaniste où la hiérarchie stricte de la société féodale japonaise vole en éclat.

Durant le XVIe siècle, en pleine période de guerres civiles au Japon, la tranquillité d'un hameau se trouve menacée par des pillards. Deux paysans se mettent en route pour le bourg, afin de convaincre des samouraïs de les sauver. Par chance, sept ronins, guerriers sans maître, libres mais déconsidérés, acceptent de défendre le village… 

Deux ans après l’émouvant Vivre (1952), véritable interrogation sur l’existence déjà portée par l’immense Takashi Shimura, et un an avant Vivre dans la peur (1955), qui interrogeait la crainte d’un père de famille face à la menace de la bombe atomique, Akira Kurosawa explore de nouveau l’âme humaine, à travers la notion de vertu et de courage. Grand cinéaste humaniste, il nous dit que l’honneur – le bushido, concept moral ancestral au Japon – ne trouve pas son origine dans les castes, mais se traduit dans les actes.

« Il n’y a ni gloire ni fortune à gagner », dit le plus âgé des samouraïs, Kanbei Shimada (Takashi Shimura), lorsqu’il réussit à embrigader ses ronins. Tout, dans la mise en scène de Kurosawa, participe à la démystification du fait guerrier. Lorsque Kyūzō (Seiji Miyaguchi), le maître de l’art du sabre, est contraint d’affronter un autre guerrier, leur combat - provoqué plutôt par ego que par nécessité - est filmé dans un silence quasi religieux. Un public se forme autour des deux belligérants et lorsque le coup fatal est donné, un ralenti nous laisse le temps de voir le corps s’abattre sur le sol. La caméra mobile, virtuose de Kurosawa, permet de prendre à rebours la logique du film d’action, dans une forme de lenteur contemplative.

Au fond, Les Sept samouraïs est davantage un western rural, un film de cowboys – la bande-son, très précise, impose à nos oreilles des cuivres, telles des trompettes de cavalerie -, qu’un récit de bandits. Kurosawa repousse le combat jusqu’ à la dernière heure du film, et fait primer le quotidien de ses personnages, notamment l’idylle entre le jeune samouraï Katsushiro (Isao Kimura) et la jeune Shino (Keiko Tsushima), tirant son film vers le mélo. Par un jeu d’alternance, le cinéaste articule les tâches des paysans, notamment dans les rizières, à leur entraînement au combat, grâce à des ellipses, des volets, des fondus enchaînés et des ruptures de rythme d’une modernité sidérante, dont se souviendra par exemple Quentin Tarantino. Mais c’est surtout le travail aliénant des paysans, leur rapport presque charnel à la terre que Kurosawa filme avec le plus de minutie, dans une épaisse nuit éclairée à la flamme. Derrière sa grandeur épique, le film, qui remporta le Lion d’or à Venise en 1954 et inspira de nombreux remakes, est une ode humaniste et sociale aux petites mains, abîmées par le soleil et le vent.

Les 7 samouraïs d’Akira Kurosawa (3h37, The Jokers), sortie le 3 juillet

Image : © 1954 TohoCo.Ltd

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