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« L’Amour à la mer » de Guy Gilles

  • Quentin Grosset
  • 2020-05-07

Le premier film de Guy Gilles ("Absences répétées", "Le Clair de terre") est une rêverie calme qui sonde l’abîme séparant deux amants, un marin au sourire triste qui vient finir son service militaire à Brest et une secrétaire prise dans l’agitation et les fantasmes de Paris.

Daniel écrit à sa fiancée, Geneviève, près du pont de Recouvrance à Brest, quartier où autrefois les marins venaient prier pour leur bon retour après un voyage en mer. Lui, tout juste revenu de la guerre d’Algérie, n’est pas au fait de cette mystique et n’a pas non plus tellement envie de retourner auprès de sa fiancée à Paris. Marin sans mission zonant dans une ville dure et blanche, reconstruite après les bombardements des années 1940 et dont Guy Gilles fait un portrait documentaire, Daniel ne sait pas très bien ce qu’il vient chercher là. Sans projeter aucune histoire, aucun fantasme, dans ces lieux neufs et bétonnés cerclés par la mer, il semble comme reposé de Paris, des signes qui s’y accumulent frénétiquement ou des marques du temps qui y sont inscrites. Geneviève l’y attend, mais s’éprend finalement d’un homme qui dit aimer les objets, les antiquités, justement pour les souvenirs…

Guy Gilles, retours au pays

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La mise en scène de Guy Gilles, très découpée, morcelée par des détails très simples (le coin d’un visage aperçu au loin, une fenêtre cassée, le néon d’un bar), insiste sur la mémoire affective qu’ont ses personnages des lieux qu’ils traversent. Lors d’une séquence de confidences, Daniel écoute son ami Guy lui raconter le Paris vagabond et ambigu de sa jeunesse, qu’il considère autant comme une ville d’aventure que comme celle où il a eu froid ou faim. Daniel se souviendra de ce face-à-face à son retour dans la capitale quand, errant, juste avant de mettre un terme à sa relation avec Geneviève, il croisera par hasard Jean-Claude Brialy ou Jean-Pierre Léaud, figures de cinéma remuantes et inespérées dans la nuit un peu maussade de Pigalle.

C’est peut-être aussi à ce moment-là que l’attrait fantasmatique de Brest, qu’il n’a pas su éprouver dans un premier temps, se rappelle à lui. Au détour d’une rue parisienne, Daniel entend résonner les bribes en musique d’un poème de Jean Genet, Le Condamné à mort, auteur qui a fait affleurer tout l’érotisme de la cité du Finistère dans son roman Querelle de Brest. Déjà la tête ailleurs, Daniel pense alors peut-être à Guy lorsqu’il entend chanter : « Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour, nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes. »

Pour voir le film, cliquez ici.

Après cette mélancolique virée bretonne, rendez-vous en terres soviétiques avec Dziga Vertov, qui réalisait en 1926 Soviet en avant !, film commandé par Mossoviet, l'administration de Moscou, à l'aube des élections. Avec ferveur et à grand coups d'images d'archives, le cinéaste glorifie les grandes heures de l’industrialisation. Puis on poursuit notre hommage à Krzysztof Kieślowski avec un entretien exclusif de Marin Karmitz, complice et producteur du cinéaste polonais, avant d'embarquer dans l'univers déjanté d'un animé peuplé de chats punks, où Béatrice Dalle prête sa voix à une déesse à l'apparence d'une machine.

Le programme complet, disponible jusqu'au 4 novembre sur mk2 curiosity :

L'amour à la mer de Guy Gilles (1965, 74', France)

Soviet en avant ! de Dziga Vertov (1926, 68’, Russie)

Marin Karmitz et Krzysztof Kieślowski - Correspondances

Tamala 2010 : a punk cat in space (2003, 93’, Japon)

Image : L'Amour à la mer de Guy Gilles (c) Lobster

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