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« Deux » : le film d’amour fou de Filippo Meneghetti
- David Ezan
- 2020-02-07
Dans un premier long tout en symboles, Filippo Meneghetti aborde les sujets sensibles de la condition des personnes âgées en France et de l’homosexualité féminine. Un film à revoir ce soir à 20h55 sur Arte.
Il n’y a qu’elles deux : Nina et Madeleine. L’une est féroce et indépendante, l’autre est une mamie gâteau. Si rien ne compte autour, c’est parce qu’elles ne s’autorisent à vivre qu’à l’abri des autres. Pourtant, en haut de la tour d’ivoire dont elles partagent le palier, elles s’aiment. Alors que Nina est seule, Madeleine, veuve, est entourée par deux enfants vis-à-vis desquels le tabou est impossible à briser ; jusqu’au jour où, victime d’un AVC qui la prive de ses fonctions motrices, son monde s’effondre. Dans le même temps, le dispositif du film prend tout son sens puisque le palier qui séparait les appartements, autrefois synonyme de bonheur, devient le lieu d’une frontière interdite, séparant Nina de son amour secret et la condamnant au silence.
Privilégiant la pulsion à toute forme de psychologie, l’expérience se vit, par la colère sourde de Nina, comme un crève-cœur à la mécanique inflexible. Et s’il est un film d’amour fou, Deux est aussi un film d’horreur – son douillet confinement est troqué pour l’asphyxie de murs entre lesquels, à travers l’œilleton, on s’espionne. Sa dimension claustrophobe, qui nous ramène à l’angoisse domestique du Locataire (Roman Polanski, 1976), figure aussi bien ce tabou insurmontable que la violence du regard social – lui-même figuré par le regard infantilisant d’une fille (Léa Drucker) sur sa mère. Dirigeant deux actrices sublimes bien que trop rares à l’écran, Barbara Sukowa et Martine Chevallier, le cinéaste livre ici, avec maturité, le portrait de femmes qui s’aiment envers et contre tout.
Deux de Filippo Meneghetti, Sophie Dulac (1 h 35), sortie le 19 mai
Image : © Sophie Dulac Distribution