CinémaPETIT ÉCRANCultureQUEER GAZEDIVINE GANGI.A. QUOI ?Le magazine
  • Article
  • 5 min

Les fans contrôlent-ils Hollywood?

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-02-17

Au printemps dernier, la Paramount a mis en ligne la bande-annonce de Sonic. Le film, avant que la réaction des fans, horrifiés par l’apparence du hérisson bleu, ne la pousse à changer son design. Dans la nouvelle version du film de Jeff Fowler (sortie le 12 février), Sonic ressemble bien plus au héros de jeux vidéo des années 1990. Pour Michael Schulman, auteur d’un reportage intitulé « Superfans: A Love Story » paru dans le numéro du 16 septembre 2019 du magazine américain The New Yorker, cette affaire est symptomatique de la fan economy, dans laquelle les entreprises capitalisent sur la dévotion des fans.

Avez-vous été surpris par la réaction des fans?

Non, le design était vraiment atroce. En ce moment, Hollywood donne aux créatures imaginaires des traits étrangement humains, sans l’être totalement. Cela les rend effrayants. Ce qui m’a surpris, c’est la réaction de la Paramount. Les studios hollywoodiens ont toujours été à l’écoute du public. Ils sont friands de projections tests et n’hésitent pas à modifier un film en fonction du retour obtenu. Mais, ici, la modification a eu lieu après la diffusion de la bande-annonce. Ce qui est nouveau, c’est l’immédiateté de la réaction. Grâce à Twitter et à YouTube, tout le monde peut donner son avis sur une bande-annonce.

 D’après le magazine en ligne IndieWire, cette refonte a coûté 5 millions de dollars.

Je pense que la Paramount a réalisé qu’elle avait perdu son public principal et que le film serait la risée de l’année si elle ne faisait rien. Il a dû y avoir un calcul financier : arrêter les frais et risquer un échec cuisant, ou continuer d’investir et espérer un petit succès. Les franchises et les adaptations sont difficiles à gérer pour les studios, car elles ont deux types de public : le grand public et les superfans. Le problème, c’est que personne ne sait à quel point les superfans influencent le grand public. Est-ce qu’une vague d’indignation de fans peut plomber un film ? Cela semble dépendre de la raison de la colère et du film. Une partie des fans de Star Wars a détesté Les Derniers Jedi (2017), et pourtant ce fut un énorme succès financier, car le film ne visait pas que les superfans. Dans le cas de Sonic. Le film, la Paramount a dû se demander s’il existait un public au-delà des fans du jeu vidéo.

Pour ne pas prendre de risques, les studios ont donc intérêt à coller au matériel original?

Oui et non. Reprenons le cas Star Wars. Puisque certains superfans avaient trouvé Les Derniers Jedi trop éloigné de l’ambiance de la trilogie originale, Disney a changé le cap avec l’Épisode IX et leur a donné exactement ce qu’ils voulaient. Résultat : L’Ascension de Skywalker est très critiqué pour son manque d’originalité. Les fans sont rarement satisfaits quand ils obtiennent gain de cause, car leurs films et séries manquent alors d’éléments de surprise. J’ai peur que Hollywood craigne la réaction des fans et ne produise plus que des films et des séries sans créativité. Mais il ne faut pas tomber dans l’excès et fustiger la prise de parole des fans. Leurs interventions ont permis que les minorités soient mieux représentées dans ces films et ces séries, et que des projets qui avaient été abandonnés reviennent à la vie. Les fans rendent la culture plus démocratique ! PROPOS RECUEILLIS PAR ALINE MAYARD

 

Tags Assocíes

  • décryptage
  • hollywood
  • Michael Schulman

Inscrivez-vous à la newsletter

Votre email est uniquement utilisé pour vous adresser les newsletters de mk2. Vous pouvez vous y désinscrire à tout moment via le lien prévu à cet effet intégré à chaque newsletter. Informations légales

Retrouvez-nous sur