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« Règle 34 » de Júlia Murat : les spectres du désir

  • Timé Zoppé
  • 2022-08-12

A travers les explorations sexuelles d’une étudiante en droit qui se laisse tenter par le BDSM, la Brésilienne Júlia Murat analyse brillamment les problématiques actuelles liées aux oppressions. Le didactisme qui guette parfois est transcendé par une actrice intense, Sol Miranda, et un triangle amoureux mis en scène avec une grande douceur. Le film a reçu le Léopard d’or au Festival de Locarno.

Au Brésil, Simone, la vingtaine, est étudiante en droit le jour et cam girl la nuit. Deux mondes a priori bien séparés qu’elle concilie pourtant autour d’un problème qui la prend aux tripes : les violences faites aux femmes et aux Noirs. Alors que dans ses cours, les débats entre profs et étudiants se crispent autour du rôle de la loi dans l’atténuation ou l’aggravation des oppressions, on sent que se produit chez Simone une véritable libération quand elle allume sa webcam le soir et qu’elle répond aux demandes osées de clients anonymes.

Vaste question que celle de la violence et la contrainte qui peuvent anéantir des individus ou bien leur donner un plaisir intense - les deux étant bien souvent entremêlés. Suivant un montage parallèle et une construction binaire pendant un moment (les cours de droit d’un côté, les explorations sexuelles de plus en plus intenses et border de l’autre), le film montre d’abord de manière un peu rigide ce double mouvement autour de la violence. Jusqu’à ce qu’adviennent des rapprochements et jeux sexuels entre Simone, sa partenaire de self-defense et son coloc queer.

Cette fluidité, dépeinte avec une douceur et une simplicité confondantes, allège le côté démonstratif du récit. Tout comme la performance de Sol Miranda, actrice a la carrure démente qui se prête corps et âme au projet pour lui donner chair et équilibrer les envolées théoriques. La bonne idée de la réalisatrice est justement d’avoir fait du personnage de Simone un être plus corporel que bavard quand il s’agit de communiquer sur ses propres rouages. On comprend ainsi ses intentions et ses désirs au travers de ses gestes, contrôlés ou non, qui parfois la surprenne en même temps que nous.

Cru dans certaines images mais sans aucune gratuité, Rule 34 montre avec beaucoup d’empathie une héroïne qui tente d’apprendre à jouer avec les règles, y parvient dans certains cas, pas dans d’autres. C’est cette non-linéarité de parcours qui, peut-être, touche et intéresse politiquement le plus en nous permettant d’appréhender les intrications et fluctuations si diablement complexes entre ordre et chaos, douceur et violence, désir et oppression.

Image : (c) D.R.

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