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SCÈNE CULTE : « Lost Highway » de David Lynch fête ses 25 ans

  • Léa André-Sarreau
  • 2022-12-04

Immersion cauchemardesque dans la psyché du schizophrène Fred Madison (Bill Pullman), l’inoubliable polar néo-noir de David Lynch fête ses 25 ans cette année et ressort en salles le 7 décembre. Dans cette scène d’amour glaçante, le réalisateur préfigure, grâce à une troublante leçon de mise en scène, la mort de Renée (Patricia Arquette), femme fatale assassinée par son mari.

LA SCÈNE

Revenu d’une soirée mondaine durant laquelle Renée a flirté avec un ami, le couple rejoint le lit conjugal. Fred commence à embrasser Renée, se renverse au-dessus d’elle. Alors qu’ils font l’amour, la musique lugubre d’Angelo Badalamenti prend de l’ampleur. L’étreinte s’achève par l’orgasme de Fred – Renée, qui n’a pas joui, pose sa main sur l’épaule de Fred et lui dit : « That’s OK. » Quelques jours plus tard, le couple recevra une cassette vidéo qui suggère que Fred aurait assassiné Renée dans cette même chambre.

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L'ANALYSE DE SCÈNE

Chez David Lynch, la chair est triste, désincarnée, à l’image du noir profond des draps qui sert de décor à cette scène de (dés)amour. Ici, le découpage morcelé semble incapable de réunir deux personnages dont les corps n’ont plus rien à se dire, et la caméra, d’abord distante et fixe, transforme ce qui aurait dû être un grand moment érotique en tableau clinique. Mais le réalisateur ne se contente pas de cet état des lieux morbide d’un amour qui s’éteint, piégé dans la toile de la jalousie.

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Dans son vertige formel, où se confondent pulsions de plaisir et de mort, il organise la progression de son personnage masculin vers la folie, dissémine des indices sur son dédoublement à venir. Tandis que le couple fait l’amour, la caméra, placée au sol, se désaxe et saisit Bill en contre-­plongée, comme hors de lui, visage absent. Contaminée par l’inquiétante étrangeté qui gagne le personnage, la scène bascule dans l’irréalité. Jusqu’à cet insert flou sur le visage de Patricia Arquette, les yeux mi-clos, qui s’évanouit au ralenti dans un flash de lumière.

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Impossible de ne pas voir, dans cette image de strangulation déguisée, une réminiscence de Laura Palmer, héroïne de Twin Peaks aux traits angéliques, figés par la mort. Et, par ricochet, d’anticiper celle de Renée, dont la vénéneuse beauté lui aura été fatale – code du film noir oblige. Rien n’est plus effrayant que l’indifférence qui cannibalise doucement le quotidien, nous dit Lynch, et l’idée que l’on ne connaît jamais vraiment ceux qui dorment à côté de nous.

Lost Highway de David Lynch, Potemkine Films (2 h 15), ressortie le 7 décembre

Images (c) Potemkine

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