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Benoît Forgeard & Philippe Katerine, politique fiction

  • Timé Zoppé
  • 2016-01-13

Je vous entends parler de voyage…
Benoît Forgeard : Oui, on va partir en pèlerinage à Château-Chinon sur les traces de François Mitterrand, à l’hôtel du Vieux Morvan. Philippe et moi louons la chambre numéro 15, dans laquelle Mitterrand a passé du temps avec Anne Pingeot, la mère de Mazarine. Ce sera une sorte de reportage pour un magazine, sous la forme d’une interview mutuelle, on va s’échanger des souvenirs de cette époque-là.

Vous avez une dizaine d’années d’écart, non ?
B. F. :
Moins ! Seulement cinq ans.
Philippe Katerine : Je suis né en 1968.
B. F. : Sous le général de Gaulle. Tu l’as même bien connu… Moi, je suis né en décembre 1973, sous Georges Pompidou. D’ailleurs, il a dû mourir en mars ou avril 1974.
P. K. : Comme par hasard !
B. F. : Oui, c’est troublant…

Ça vous intéressait déjà, la politique, dans votre enfance ?
B. F. : Dès mon plus jeune âge. À 4 ans, je collectionnais les bulletins de vote. J’avais une approche plutôt mythologique ; j’aimais le théâtre des personnages politiques : un Raymond Barre, un Georges Marchais, un Jacques Chirac…
P. K. : Moi, je m’y suis mis en 1981. Énorme déception : François Mitterrand est élu. J’ai 13 ans. Mes parents sont effondrés. Mon père était commerçant ; il pensait qu’il allait devoir tout donner. Ma mère était institutrice dans une école privée ; elle craignait qu’il les ferme toutes, avec les églises. Le lendemain, au collège, je croyais que c’était une des dernières fois que je voyais mes amis.


Comment avez-vous découvert vos travaux mutuels ?
B. F. : J’ai écouté assez tôt le premier disque de Philippe, Les Mariages chinois et la Relecture, un copain me l’avait passé en vinyle, à l’été 1995. Je trouvais ça étonnant. Mais c’est l’album suivant que j’ai vraiment beaucoup aimé, L’Éducation anglaise. À partir de là, tout le reste m’a plu.

Philippe, on te sent flatté…
P. K. : Oui, je prends, je prends… Je m’enduis.

Et toi, comment as-tu découvert le travail de Benoît ?
P. K. : Un dimanche soir, sur France 2, dans l’émission Histoires courtes.
B. F. : Il y avait mon court métrage Respect. Philippe n’en a pas dormi de la nuit.
P. K. : C’est-à-dire que c’est à la fois abominable et stupéfiant. Un choc !
B. F. : C’est une sorte de drame domestique. Un couple composé d’un homme et d’une énorme mascotte. Je répondais à une invitation de France 2, qui demandait un film de treize minutes comportant un ninja et une cascade.
P. K. : C’était exactement ce qu’il me fallait à ce moment-là. J’étais allongé sur le lit, j’écarquillais les yeux en me demandant : « Qu’est-ce qui se passe ? », « Pourquoi ? », « Qu’est-ce qu’on me veut ? » Je n’en revenais pas.
B. F. : Après, avec mon producteur Emmanuel Chaumet, on a sorti un film qui s’appelle Réussir sa vie,un assemblage de trois courts métrages.J’ai vu que Philippe recommandait dans la presse d’aller le voir. J’étais hyper content. J’ai demandé son numéro, pour le remercier, et puis on est allés boire un apéro.

Avez-vous vite senti que vous aviez un univers commun ?
B. F. : Oui, et puis c’était simplement le plaisir de la discussion. De la gastronomie, aussi.
P. K. : Les plaisirs de la bouche, quoi.
B. F. : On passe des heures à table sans s’ennuyer. Avec Philippe, on peut parler de serviettes de table, ça sera toujours passionnant.

Comment est né Gaz de France ?
B. F. : Il y a plusieurs racines. D’abord, mon attachement au théâtre politique. Ensuite, on avait l’idée, avec mon producteur, de faire un film en huis clos, notamment pour que ça ne soit pas trop coûteux. Je voulais faire la part belle aux dialogues. Je suis aussi fasciné par le storytelling. Les livres de Christian Salmon sur ce sujet m’ont passionné. Il raconte que la propagande, que l’on connaît depuis longtemps, a franchi une nouvelle étape avec le storytelling, beaucoup plus subtil, qui peut prendre corps dans tous les domaines de la société. Raconter des histoires coûte que coûte pour séduire, faire acheter, faire élire.

Comment as-tu pensé à Philippe Katerine pour incarner le président Bird ?
B. F. : Philippe a cette stature présidentielle que peu de gens ont en France. Une popularité intuitive, réelle. Et puis, il ne faut pas oublier que c’est un bon comédien.
P. K. : Pourquoi l’oublier ?
B. F. : Là où il m’avait vraiment épaté, c’était dans Capitaine Achab de Philippe Ramos, dans lequel il jouait un méchant.


Et toi, Philippe, comment as-tu réagi quand Benoît t’a proposé d’incarner le président de la République ?
P. K. : Eh bien… on était au resto, je crois.
B. F. : Forcément.
P. K. : J’étais hyper content. Ça ne se refuse pas ! Je n’avais jamais lu un scénario comme ça. En général, je m’ennuie très vite en lisant les scripts.

Un long métrage tourné entièrement sur fond vert, c’est inédit dans le cinéma français. Philippe, ça ne t’a pas inquiété ?
P. K. : Au contraire, je me disais que ça allait forcément être un chef-d’œuvre.
B. F. : Au début, c’est vrai que quand on s’est retrouvés devant le fond vert avec les acteurs, ça ne payait pas de mine… Ils devaient se demander dans quel traquenard ils s’étaient fourrés. On les a tenus par la bouffe ; comme souvent. On avait un très bon chef cuistot. Combien de fois j’ai rattrapé Philippe comme ça, avec des rognons…

Vous vouliez faire un huis clos pour réduire les coûts de production, mais la postproduction a dû coûter cher, non ?
B. F. : C’est un peu vrai… Cela dit, ça reste un budget réduit : 700 000 euros.
P. K. (à Benoît Forgeard) : Le fond vert, ça date du début du cinéma ?
B. F. : Non, parce que c’est lié à la vidéo. Mais Georges Méliès utilisait des fonds noirs pour faire des superpositions. Pendant notre tournage, seuls les objets que les personnages pouvaient toucher étaient présents sur le plateau.

Le rythme du film n’a rien de celui d’une comédie classique, il y a beaucoup de moments suspendus, et les répliques ne s’enchaînent pas à toute allure.
B. F. : Ce qui peut être un peu troublant pour le spectateur, c’est que je ne cherche pas à faire une comédie efficace. Il y a des éléments marrants, mais ce n’est pas une comédie dans les règles de l’art. À Cannes, le public s’attendait à un déluge de rigolade. C’est problématique. La question se pose pour la sortie : comment présenter le film sous son meilleur jour ? On a choisi de mettre en avant le rire et l’érotisme. Philippe sera nu dans la bande-annonce.

Vous allez tourner le clip de « La Rigueur en chantant », le morceau grâce auquel Bird se fait élire président.
B. F. : Oui, on va l’utiliser pour la promo. Étrangement, cette chanson n’est pas dans le film D’ailleurs, Philippe, je voulais te demander : tu pourrais te faire une petite coupe ?
P. K. : De ?…
B. F. : Des rouflaquettes.
P. K. : Oh oui, bien sûr !
B. F. : Pour le film, je voulais que Philippe ait une tête de président. Je lui ai donc demandé de se couper les cheveux. À cette époque, il devait faire un film pour son album Magnum, sur la pochette duquel il arborait aussi une moustache. Beaucoup de gens m’auraient dit que c’était impossible de tout couper, mais Philippe l’a fait.
P. K. : Pour la France !
B. F. : Il porte donc une perruque pour son film.
P. K. : C’est plus un rajout capillaire. D’ailleurs, je viens de mettre Magnum en entier sur YouTube.
B. F. : En ce moment, il prépare une série de récitals, accompagné simplement par une pianiste. Philippe, qu’est-ce que tu imagines comme ambiance ?
P. K. : Je pense que ça sera comme un cabaret en noir et blanc. Très mis en scène, avec des actions répétées. Ma pianiste m’a dit ce matin : « J’aimerais beaucoup me déguiser », et elle m’a montré des photos d’elle en punk. Ça sera pour le printemps 2016.


Philippe, tu seras aussi à l’affiche, le 10 février prochain, de La Tour 2 contrôle infernale, la suite de La Tour Montparnasse infernale (2001). Quel rôle y joues-tu ?
P. K. : Ben… une ordure.
B. F. : Comme d’habitude.
P. K. : Je tue plein de gens à l’arme à feu.
B. F. : Ça sort juste après Gaz de France. C’est bien, Philippe, tu vas rester à l’affiche pendant plusieurs mois. Tu as montré La Tour Montparnasse infernale à tes enfants ?
P. K. : Non, je ne leur montre pas de films. Le cinéma, c’est violent. Le dessin animé, y’a tout de suite une distance. Les Barbapapa, ça reste un must. Y’a Babar aussi, mais c’est plus complexe : le retour des colonies, la culpabilité… Alors que dans Les Barbapapa, y’a un ailleurs.

Et toi, Benoît, quels sont tes projets ?
B. F. : Je prépare une nouvelle émission du Ben & Bertie Show pour Paris Première, avec mon compère Bertrand Burgalat. C’est aussi sur fond vert. Mais mon prochain film, je vais le tourner en fond réel, dans la vraie vie. Il s’agit d’une histoire autour de l’intelligence artificielle. Ça parle d’un frigo musicien, mais je ne peux pas en dire plus.

Philippe reviendra-t-il dans ton cinéma ?
B. F. : Je l’espère ! Si on ne se fâche pas à Château-Chinon…

Gaz de France
de Benoît Forgeard (1h26)
avec Olivier Rabourdin, Philippe Katerine..
sortie le 13 janvier

 

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