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Le Festival de Belfort en trois temps forts

  • Josephine Leroy
  • 2018-11-26

BÊTES HUMAINES

Cette année, deux jeunes cinéastes français se sont emparés de la question animale, l’un l’abordant sur le mode de la comédie poétique, l’autre dans un registre plus sombre.

a priori

A priori sauvage de Romain André

Dans le court-métrage A priori sauvage de Romain André, on suit la rencontre virtuelle entre Jean-Marc, un solitaire déambulant dans des rues montreuilloises plongées dans le noir à la recherche d’une fouine qui rôde, et Aurélie, une médiatrice qui s’occupe des plaintes adressées à la ville par les habitants. En se détachant progressivement des codes de langage de l’administration, elle répond à ses mails sur un ton doux et compréhensif. Et à travers cette idylle platonique touchante, le film dresse un subtil parallèle entre l’animal fuyant et l’homme misanthrope. En creux, il critique une société contemporaine qui tend à transformer les individus en automates, et ne laisse plus de place au tact et à l’écoute, soit des ingrédients essentiels qui font que ces espèces « a priori sauvages » s’apprivoisent.

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Le Sang noir de Safia Benhaim

Par une approche moins réaliste et plus métaphysique, la jeune cinéaste et photographe Safia Benhaim fusionne complètement l’être humain et l’animal dans Le Sang noir. Ce conte mystique s’ouvre sur une scène où un père raconte une histoire vécue à ses enfants : lors d’une partie de chasse, un de ses amis a mystérieusement disparu en forêt alors qu’il cherchait un cerf repéré l’année d’avant. À coups de flashbacks intenses marqués par une imagerie fantastique, on retrouve le chasseur disparu : dans les dédales de la forêt enneigée, il mime  les attitudes de  ce cerf, objet de fascination renvoyé ici à son caractère mythologique (dans la culture antique, l’animal, robuste et conquérant, est le symbole de la vitalité et de la virilité). Ces visions troublent la rétine autant qu’elles hantent l’esprit : à rebours d’un basculement vers la robotisation, suggéré dans le précédent film, on imagine la mutation étrange de l’homme vers l’animal.

ENFANTS DU SÉRAIL 

Toujours du côté des tout frais premiers films, on a également repéré Daniel fait face de Marine Atlan, un huis-clos prenant dans une école primaire. Petits papiers qui circulent en loucedé pendant le cours, faux mariage pour imiter les grands à l’heure de la pause… Rien d’étonnant dans le quotidien de ces jeunes élèves de 10 ans, au milieu desquels se trouve Daniel, petit garçon espiègle, qui va se retrouver confronté à deux événements qui vont le chambouler : entre deux portes, il entend ses profs parler d’un exercice visant à protéger l’école d’une attaque terroriste. Peu après, il tombe accidentellement sur une de ses camarades qui se change dans les vestiaires pour le cours de danse. Cette dernière le voit et, traumatisée, le répète à ses amis, qui ne tardent pas à traiter Daniel de « porc ». C’est à travers ces deux imprévus que le film, teinté d’une atmosphère étrange, intéresse particulièrement, car il montre la conscience aigüe des enfants vis-à-vis des problématiques contemporaines (la vague #MeToo, les attentats) : non, les bambins ne sont pas coupés du monde dans lequel ils vivent, malgré les efforts des adultes pour leur épargner la dureté de la vie.

 

daniel

Daniel fait face de Marine Atlan

C’est cette même maturité infantile qu’on retrouve dans Plus qu’hier, moins que demain de Laurent Achard (1999). Ce lumineux long métrage plonge dans les secrets bien gardés d’une famille habitant dans un petit village de la région Rhône-Alpes, qui remontent à la surface lorsque la grande sœur revient de Paris sans prévenir sa famille. Julien, le petit dernier de la fratrie, avec ses grands yeux écarquillés, ses attitudes de petit Robinson et son envie pressante de faire partie du monde des grands, voit tout ce qui se passe, le répète aux adultes et n’est quasiment jamais pris au sérieux. C’est normal, un enfant, ça imagine beaucoup de choses. Le film déconstruit cet a priori et confère aux petits, sinon une sagesse d’expérience, une attention fine aux soucis des adultes.

CAPSULE D’ÉTÉ

Après cette incursion dans un été provincial, on a sillonné les plages avec The Endless Summer, surf-movie culte de Bruce Brown sorti en 1966 et tourné à l’aide d’une caméra Bolex 16mm. En parfait baroudeur, le réalisateur nous embarque dans un voyage unique aux côtés de deux jeunes surfeurs californiens en quête de la vague parfaite. Pour trouver ce Surf-Graal, ils se rendent en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Tahiti et à Hawaï. En plus de nous initier aux techniques (on sait désormais que le « barrel », c’est ce tube formé par la vague où se nichent les surfeurs adroits), Bruce Brown (disparu l’année dernière) narre ce périple incroyable avec un ton merveilleusement décalé.

Mais dans la vraie vie, toute bonne chose a une fin, et on a du se résoudre à remettre nos manteaux pour affronter les basses températures de Belfort, puis celles pas franchement plus hautes de Paris. Jusqu’à l’année prochaine.

 

: « Festival International du film de Belfort »
Le palmarès est à retrouver sur le site du festival 

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