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Juliette Binoche et Edgar Ramirez parlent à cœur ouvert

  • Frédéric De Vençay
  • 2012-08-08

Juliette, c’est Édgar qui a pensé à vous pour le film. Pourquoi avez-vous accepté ?
Juliette Binoche : J’aime les coups du destin. J’ai répondu à ce désir, en me laissant porter par mon instinct. Il y avait des choses dans le scénario que j’avais envie de vivre : l’idée du couple, à la fois comme passion charnelle et comme conflit. Javier et Mila ne vivent pas encore l’amour, ils le recherchent.

Vos deux interprétations sont très intuitives. Le titre initial était Un singe sur l’épaule, et le primate est un motif central du film. Avez-vous axé votre jeu sur l’idée d’animalité ?
J.B. : C’est pratique d’être un animal pour un acteur. Tout est très charnel, confortable. Ça permet de passer le cap des peurs, notamment du corps de l’autre : on est tout de suite « dedans ». Pour les répétitions, on a fait des improvisations autour de la figure du singe.
Édgar Ramírez : On a regardé des documentaires sur les bonobos, pour se familiariser avec leur dynamique, leurs relations.

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Il y a d’ailleurs un contraste entre les scènes à l’hôpital, pleines de sang-froid, et celles dans votre appartement, où vous entretenez un rapport très physique, non sans violence.
É.R. : Les opérations au bloc sont comme un rituel : c’est le seul moment où les émotions des personnages passent par la tête et non par le corps. Mais en dehors, ils sont totalement libres, adolescents, immatures.

Le point de rupture se joue au moment où les responsabilités les rattrapent : les problèmes de Javier à l’hôpital, son alcoolisme, la grossesse de Mila…
É.R. : Tout explose. Assumer la naissance d’un enfant est trop pour Javier. Il n’y a qu’un seul enfant dans leur relation : c’est lui. Sa femme est sa deuxième drogue, avec l’alcool.
J.B. : Pour jouer ça, ce cauchemar latent, j’avais le goût de l’alcool dans la bouche qui me donnait envie de vomir. Mila ne reconnaît pas le problème de Javier, elle fait comme si tout allait bien. Beaucoup de gens participent à la chute de leurs proches en la dissimulant, en changeant de sujet… Ça met Javier hors de lui : c’est comme s’il n’était pas vraiment reconnu, ni aimé.

Comment vous avez travaillé l’approche de l’addiction ?
J.B. : Il n’a pas arrêté de boire. (rires)
É.R. : J’ai eu des entretiens avec de vrais chirurgiens alcooliques au Vénézuela, ainsi qu’avec des Alcooliques Anonymes, pour comprendre leurs modifications physiques et psychologiques. Il était important pour moi de savoir quelles zones du cerveau étaient touchées. La principale, c’est le lobe frontal, qui contrôle le jugement, la capacité de définir ce qui est sensé et ce qui ne l’est pas. L’alcool détruit tout ça. Le processus peut durer un an, dix ans, vingt ans.
J.B. : Il m’a montré une liste précise, presque scientifique, des développements de l’alcoolisme au fur et à mesure du film.
É.R. : Tout est à l’écran : l’arrogance, le repli sur soi, la paranoïa, la jalousie pathologique… Quand on arrive à un niveau d’alcoolisme aussi avancé, toute la liste symptomatique se décline. Je suis parti de cela pour construire l’évolution, ou la dégradation, du personnage.

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Vous avez assisté à de vraies opérations du cœur avec le chirurgien Arrigo Lessana. Il compare Juliette à une danseuse essayant de reproduire une chorégraphie…
É.R. : C’est ça ! Moi, j’étais fasciné par le corps ouvert, ayant connu une opération similaire à 19 ans. J’étais très concentré, cartésien, mais aussi frustré : je n’arrivais pas à reproduire vraiment les mouvements d’Arrigo. Juliette, elle, était complètement libre !
J.B. : J’ai rien foutu et j’y suis arrivée ! (rires)
É.R. : Tu as trouvé un chemin alternatif. Quand je t’ai vu faire, j’ai été étonné : « C’est comme au bloc ! Où est-ce que tu as appris ça ? Tu ne me l’avais pas dit… » Mais tu improvisais ! C’était une leçon.
J.B. : On a eu peu de temps pour apprendre. Mais il y a quelques années, pour un tournage, j’ai pris des cours de violon pendant six mois, en faisant exactement comme il faut… et à l’écran, ça ne marche pas ! Alors que si j’avais fait semblant, ça aurait fonctionné. Il vaut mieux capter les choses de l’intérieur.

À cœur ouvert de Marion Laine
avec : Juliette Binoche, Édgar Ramírez…
sortie : 8 août

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