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Critique: « River of Grass »

  • Thomas Messias
  • 2019-09-09

La filmographie de Kelly Reichardt (Certaines femmes) ne commence pas par Old Joy, sorti en France en 2007. Tourné en 1994 entre Miami et le parc national des Everglades (surnommé River of grass, «la rivière d’herbe»), le premier long métrage de l’Américaine est resté inédit pendant un quart de siècle dans les salles françaises.

River of Grass a quelque chose de Permanent Vacation, le film de fin d’études de Jim Jarmusch, faisant naître du manque de moyens (et de l’absence d’autorisations de tournage) un sentiment d’urgence qui n’empêche pas la contemplation et l’oisiveté. D’entrée, Reichardt annonce la couleur avec l’autoportrait cruel et décalé de Cozy (Lisa Bowman), jeune femme qui s’ennuie avec son mari et ne parvient pas à éprouver de l’amour pour ses enfants. River of Grass n’abandonnera jamais ce ton vachard et en dehors des clous. La rencontre avec Lee (Larry Fessenden, également monteur et producteur), pauvre type désœuvré venant de trouver une arme à feu égarée par un flic minable, donne le jour à un duo tout sauf romanesque, dont le film décrit la fuite avec un réalisme acide. Teinté d’indécision et de moments de creux, le road movie qui se met en place semble annoncer la randonnée pédestre sans enjeu dramatique d’Old Joy.

Non, la grâce n’est pas présente en chaque être et en chaque chose ; non, toutes les routes ne mènent pas vers un avenir meilleur. Jamais le film ne se fait écrasant. Laconique, il s’amuse des échecs systématiques des protagonistes, de même que de leurs révoltes molles. River of Grass apporte un soin tout particulier au traitement du personnage de Cozy: Reichardt ne s’attache à aucun moment à la rendre sympathique ou attirante, la libérant ainsi de toutes les entraves habituellement inhérentes aux héroïnes. Ni sexualisée ni stigmatisée pour avoir abandonné sa famille, Cozy est le porte-drapeau idéal du cinéma de Kelly Reichardt, artiste importante et précurseure, qui n’a pas attendu que les questions de genre deviennent centrales pour les intégrer à son univers.

River of Grass de Kelly Reichardt, Splendor (1h14), sortie le 4 septembre
Image: Copyright Splendor Films

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