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CRITIQUE : Le Chant de la fôret

  • Julien Dokhan
  • 2019-05-09

À partir des croyances d’une tribu du Brésil, Renée Nader Messora et João Salaviza signent une œuvre d’une rare puissance poétique et politique, Prix spécial du jury Un certain regard à Cannes en 2018.

Une nuit, Ihjãc fait un rêve étrange qui l’incite à se lever pour traverser la forêt et atteindre le pied d’une cascade. Le jeune homme, issu du peuple indigène Krahô, entend alors la voix de son défunt père. Celui-ci lui rappelle qu’il est temps d’organiser la fête funéraire en son honneur. Car c’est seulement après la fin de la période de deuil que les disparus rejoignent le village des morts et laissent les vivants en paix. Troublé par cette apparition, Ihjãc n’ose l’ébruiter, de peur d’être vu comme le chaman qu’il refuse de devenir… Centrée sur le bouleversant secret d’Ihjãc, la première partie du film raconte aussi le quotidien au sein de la communauté, entre documentaire et fiction – la Brésilienne Messora et le Portugais Salaviza ont travaillé en étroite collaboration avec les Krahôs.

Dans une étonnante deuxième partie, Ihjãc, désireux de fuir son destin, se rend en ville. Là, l’incompréhension est totale: une fonctionnaire se moque de ses angoisses, et lui réclame une carte de mutuelle dont il ignore l’existence. Tout en décrivant avec sensibilité le désarroi d’Ihjãc, le film récuse l’opposition simpliste entre société moderne et mode de vie traditionnel: les filles krahôs discutent du dernier vernis à la mode tandis que, sur un écran de télé, les visages fervents des supporteurs brésiliens blancs illustrent la dimension rituelle du football. Si cette œuvre stimulante offre une réflexion politique sur la survie des cultures indigènes, nul besoin d’être anthropologue pour en apprécier la beauté.

Comment ne pas être saisi par la poésie de certaines trouvailles : un enfant est cadré devant un grand arbre, et voilà que les branches semblent être le prolongement de son petit corps ; l’œil noir d’un perroquet est filmé en gros plan, et le sympathique volatile se mue aussitôt en oiseau de malheur. Intranquille et gracieux, Le Chant de la forêt célèbre l’indéfectible lien qui unit les humains aux végétaux, les vivants aux morts, le cinéma au réel.

Le Chant de la forêt, de João Salaviza et Renée Nader Messora, Ad Vitam (1h54), sortie le 8 mai

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