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Anders Danielsen Lie, acteur malgré lui

  • Raphaëlle Simon
  • 2016-02-17

Si, dans ses films, l’acteur norvégien semble toujours en errance, trimballant des fêlures de rôle en rôle, ce médecin de formation sait très bien où il va dans la vie, et ne se met aucune limite. Alors qu’ARTE diffuse gratuitement Oslo. 31 août de Joachim Trier, film qui l’a révélé, on republie ce portrait réalisé en février 2015 à l’occasion de la sortie de Ce Sentiment de l’été de Mikhaël Hers, où il incarne un New-Yorkais qui se lie avec la soeur de sa compagne brutalement décédée, au gré des rencontres, d’un été à l’autre.

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Quand il nous rejoint pour faire la photo avant l’interview, on s’étonne de découvrir un homme calme, serein et confiant – contrairement aux personnages tourmentés et à fleur de peau qu’il a incarnés jusqu’à présent. Sans tergiversation, le shooting est rondement mené. Dans la vie, Anders Danielsen Lie, visage en lame de couteau, se montre déterminé et peu intimidable, y compris devant un scénario dont il ne parle pas la langue.

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Dans Ce sentiment de l’été, il donne la réplique à Judith Chemla, qui joue la sœur française de sa défunte petite amie. « Je n’avais aucun dialogue dans ma langue, ça a été un vrai challenge, confie-t-il. C’est déjà difficile de jouer en anglais parfois, mais là il y avait tous ces dialogues en français, que je ne parlais quasiment pas. J’ai dû apprendre à jouer de manière non verbale ; comme je ne pouvais pas improviser de répliques, je devais être spontané autrement. Ce film m’a beaucoup appris sur ce que jouer veut dire. Comme je n’ai pas eu de formation, chaque rôle est une nouvelle leçon. » Si Anders Danielsen Lie n’a pas eu de formation d’acteur, c’est tout simplement parce qu’il est médecin de profession.

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COMÉDIEN MALGRÉ LUI

À tout juste 10 ans, le jeune Anders, soutenu par sa mère comédienne, passe une audition pour Herman, le nouveau projet d’Erik Gustavson, réalisateur norvégien alors très populaire dans son pays. Le garçon est choisi pour le rôle principal du film, qui rencontre un énorme succès en Norvège à sa sortie en 1990. « Ça a été une bonne expérience, mais c’était aussi énormément d’attention médiatique. Aujourd’hui encore, j’adore ce qui touche à la création du film, mais je suis moins à l’aise avec ce qui vient après, le côté figure publique… À l’époque, j’avais 11 ans, et c’était trop pour moi. »

Le jeune homme choisit alors de se retirer du jeu, et se lance, quelques années plus tard, dans des études de médecine. Mais le cinéma le rattrape par le col de la blouse blanche. En 2005, l’étudiant reçoit un appel pour passer une audition pour l’un des deux rôles principaux de Nouvelle Donne, le premier long métrage du jeune cinéaste norvégien Joachim Trier, qui suit les parcours cabossés de deux aspirants romanciers. « J’ai dû prendre une année off pendant mes études, mais ça valait la peine : l’expérience a été incroyable. »

Après ce rôle d’écrivain névrosé, Trier offre à son acteur sa plus belle partition à ce jour avec Oslo. 31 août. Dans cette vertigineuse adaptation du Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle, le comédien, absolument magnétique, incarne un toxicomane en permission livré à ses pulsions de mort dans les rues d’Oslo. Avec cette nouvelle expérience, qui lui vaut une reconnaissance mondiale, l’apprenti acteur rôde son jeu. « J’avais le sentiment que j’aurais pu être meilleur sur le tournage de Nouvelle Donne. Du coup, j’ai complètement changé mon approche pour Oslo. 31 août. J’ai travaillé de manière plus systématique et analytique, moins désordonnée. »

Rattrapé par sa passion, le jeune médecin généraliste, qui vient d’ouvrir son cabinet à Oslo, devient comédien malgré lui. « Je ne voulais pas être comédien à temps plein, mais j’ai compris qu’être seulement médecin ne me suffirait pas, et que je devais exercer les deux métiers pour être comblé. Même si, en termes de planning, c’est compliqué. Cette année, j’ai très peu pratiqué, j’étais en tournage presque tout le temps. »

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SANS FRONTIÈRE

Après ses expériences norvégiennes (les films de Trier, la série Esprit norvégien), le comédien décide de voir du pays et enchaîne trois films français en l’espace de deux ans, à commencer par Fidelio. L’odyssée d’Alice, le premier film de Lucie Borleteau, dans lequel il joue le fiancé d’une femme marin (Ariane Labed), un second rôle auquel il confère beaucoup d’épaisseur. Suivront donc Ce sentiment de l’été, le deuxième long métrage de Mikhaël Hers, et Personal Shopper, le prochain film d’Olivier Assayas, dont la sortie est prévue fin 2016, et dans lequel il partage l’affiche avec Kristen Stewart. Aujourd’hui, le jeune papa fait une petite pause pour passer du temps en famille et travailler sur un nouvel album, après avoir sorti en 2011 This Is Autism, dans lequel il mixait des chansons qu’il avait enregistrées plus jeune. « La musique, c’est presque thérapeutique pour moi, je n’arrêterai jamais, même si je n’ai pas l’ambition de devenir un grand musicien. J’ai déjà la médecine et le cinéma, c’est pas mal… » Anders Danielsen Lie, médecin sans frontière.

Photo : (c) Vincent Desailly

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