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Le cinéma allemand se dope au genre

  • Renan Cros
  • 2016-08-22

Thrillers  paranos et glacés chez Christoph Hochhäusler (L’imposteur en 2006, Les Amitiés invisibles en 2015) ; mélos flamboyants mêlant modernité et charme suranné chez Christian Petzold (Barbara en 2012, Phoenix en 2015) ; teen movie audacieux et graveleux chez David Wnendt (Wetlands en 2013)… À l’image de l’hilarant et névrosé Toni Erdmann de Maren Ade, le cinéma allemand contemporain se réapproprie de façon délurée les codes du cinéma de genre, mais sans perdre ce qui a fait sa renommée : sa capacité à digérer des problématiques socioculturelles très nationales. « C’est le cinéma historique, notamment sur l’Allemagne pendant les différents conflits, qui s’exporte encore le mieux aujourd’hui », explique Mariette Rissenbeek , directrice du German Films, un institut œuvrant pour la promotion du cinéma allemand à l’étranger. Le succès hors des frontières de films comme Goodbye Lenin! (Wolfgang Becker, 2003) ou La Vie des autres (Florian Henckel von Donnersmarck, 2007), ou la récente sortie en France du Labyrinthe du silence (Giulio Ricciarelli, 2015), témoignent de l’intérêt du public pour l’histoire complexe et douloureuse du pays. Rissenbeek poursuit : « Mais avec ces nouveaux cinéastes, le public étranger a aussi accès à une vision très contemporaine de l’Allemagne. » Hochhäusler utilise ainsi, dans Sous toi, la ville (2010), les codes du polar pour mieux raconter la mondialisation et les réseaux souterrains qui gangrènent son pays. Le parcours du héros dans Le Braqueur. La dernière course de Benjamin Heisenberg (2010) devient la métaphore à peine déguisée d’une jeunesse en colère qui se radicalise. Et, dans le Toni Erdmann de Maren Ade, le contexte de la crise économique sous-tend la crise de rire et de nerf.

Victoria de Sebastian Schipper

Victoria de Sebastian Schipper

GERMAN WIN

Depuis l’émergence, au début des années 2000, des premiers films de Christoph Hochhäusler (Le Bois lacté), Maren Ade (The Forest for the Trees) et Christian Petzold (Contrôle d’identité), cette génération de « jeunes » cinéastes (nés pour la plupart dans les années 1970) est parfois rassemblée par la presse sous l’appellation d’« école de Berlin ». Si ces réalisateurs réfutent appartenir à un même mouvement et nient toute unité de style, leur capacité à faire cohabiter hyperréalisme de fond et recherche de forme tisse bien un lien entre leurs œuvres. Cette ambition, qui s’exporte depuis les années 2000 dans les plus grands festivals, offre une nouvelle image du cinéma national – il fallait jusqu’alors remonter aux années 1970-1980 pour trouver avec Wim Wenders ou Rainer Werner Fassbinder des cinéastes allemands à l’aura mondiale – et crée une brèche salutaire pour une nouvelle génération d’auteurs comme Baran bo Odar (Who Am I. Aucun système n’est sûr, 2014) ou Tom Sommerlatte (Im Sommer wohnt er unten, 2015). Sortie en France l’été dernier, Victoria, épopée nocturne et noire en un seul plan-séquence, révèle aussi la capacité du nouveau cinéma allemand à conquérir le marché américain : tourné en anglais, le film a permis à son réalisateur Sebastian Schipper de voir son prochain projet, le thriller psychologique Undeniable, être produit par Darren Aronofsky. Capables de concilier exigences d’auteur et cinéma populaire, ces metteurs en scène pourraient bien devenir, à l’instar de leurs illustres aînés des années 1930 (Fritz Lang et Ernst Lubitsch en tête), les prochains rois de Hollywood. Vendu dans le monde entier après son triomphe cannois, et acheté par Sony pour sortir aux États-Unis, Toni Erdmann devrait ainsi, avec ses facéties et son grand cœur, propulser Maren Ade très haut. Après La Vie des Autres en 2007, un nouvel oscar en vue pour le cinéma allemand ?

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