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Steve McQueen en 5 films hors-normes

  • TROISCOULEURS
  • 2024-04-11

Depuis l’inoubliable « Hunger » (2008), son premier long, jusqu’au dense et fort « Occupied City », fresque documentaire de 4h30 sur l’occupation nazie à Amsterdam qui sort le 24 avril (et en avant-première ce 15 avril au mk2 Bibliothèque), le cinéma du Britannique Steve McQueen s’est toujours présenté jusqu’au-boutiste, radical et hors cadre, comme pour sonder les limites des représentations de la révolte, du corps, de l’histoire ou même du cinéma.

Hunger (2008)

Le combat de Bobby Sands, leader de l’IRA (Irish Republican Army) condamné à quatorze ans de prison pour sa lutte antibritannique, est ici filmé comme le parcours d’un martyr. Si Steve McQueen y va à fond dans l’iconographie religieuse, c’est avant tout pour traiter la question du sacrifice, ici déplacée sur un terrain politique. Ce qui intéresse ici le cinéaste, c’est cette radicalité de l’engagement de Sands, qui ira jusqu’à mourir le 5 mai 1981, à la suite d’une grève de la faim qu’il entame quelques mois avant pour obtenir le statut de prisonnier politique. La mise en scène épouse cette intransigeance, notamment à la faveur d’un plan-séquence ultra dialogué et vertigineux de vingt minutes dans lequel un prêtre demande à Sands de renoncer. Pour tenir le rôle de l’inflexible militant, Michael Fassbender ira jusqu’à perdre une dizaine de kilos. 

Le film a remporté la Caméra d’Or et le prix FIPRESCI au Festival de Cannes 2008

Shame (2011)

« J’aimerais que Shame fasse sur son public un effet semblable à celui du sifflement du maître sur le chien » nous confiait Steve McQueen à la sortie de ce grand film sur l’addiction. Si le cinéaste a voulu que son public soit ainsi captif, aussi implacable qu’un Michael Haneke, c’est pour lui faire éprouver la condition du sex-addict joué par Michael Fassbender, dont le corps soumis à ses pulsions apparaît comme une prison. Comme dans Hunger, l’acteur donne tout de lui (« Hardcorps » avions-nous donné comme titre au portrait qu’on tirait de lui au moment où le film sortait) : il est littéralement à nu, s’épuisant physiquement pour nous mettre face au supplice de son personnage. Steve McQueen, dont jamais l’empathie ne disparaît malgré la froideur du dispositif, filme son vide existentiel dans un New York anonyme, à l’urbanité inhospitalière.

Michael Fassbender remporté la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise

Twelve Years A Slave (2013)

Autre expérience limite : mettre le public face à l’horreur et l’abjection de l’esclavage, sans compromis. Dans ce film, on suit Solomon Northup, un musicien et charpentier afro-américain tombé dans un piège tendu en 1841 par des recruteurs d’esclaves. Ses bourreaux le garderont en captivité pendant douze ans, où il subira les pires sévices avant de pouvoir être libéré… La démarche de Steve McQueen a pu être qualifiée de doloriste par ses détracteurs, quand celles et ceux qui défendaient le film ont loué son sens du choc (encore la figure du plan-séquence pour amplifier la violence) et en même temps sa manière de souligner la banalité du mal, à travers l’inventaire interminable des sévices subis par le personnage. Ce qui est sûr, c’est que personne n’est resté indifférent face à Twelve Years A Slave : c’est un trait que partagent tous les films de Steve McQueen.

Le film a reçu l’Oscar du meilleur film 2014

Les Veuves (2018)

Dans Les Veuves, McQueen canalise son brio formel au service de l’efficacité du film de braquage. Un genre dont il respecte d’abord sagement les codes (notamment en implantant son histoire à Chicago, ville de la corruption, du crime et du racisme, sublimée en de suaves panoramiques) avant de s’en écarter pour lui donner un angle contemporain : la révolte des femmes. Adapté d’une série télévisée des années 1980 (Widows) par Gillian Flynn, l’auteure de Gone Girl, le film commence là où les autres polars finissent : avec la mort des braqueurs. Les hommes ne sont pas capables de faire le job correctement ? Au tour du sexe opposé de prendre, enfin, le relais. Si le temps du deuil existe bien dans Les Veuves, donnant lieu à de courtes respirations mélodramatiques sur fond de mélancolie soul, il laisse vite place à celui de la revanche et de l’action, explosive. 

Occupied City (2024)

Habitant d’Amsterdam, Steve McQueen raconte l’histoire de l’occupation nazie dans la capitale néerlandaise, dans un documentaire-fleuve – durant plus de quatre heures, mais il fallait bien ça pour s’atteler à ce sujet - en forme de symphonie urbaine, qui jette des ponts entre passé et présent. Sans jamais recourir à des archives, le réalisateur britannique a façonné un film à deux têtes : d’un côté, la narration en voix off des exactions commises par les nazis à Amsterdam ; de l’autre, l’image, dans laquelle McQueen filme la ville dans tous ses états et sous tous les angles possibles, lorsqu’elle passe notamment d’un confinement à l’autre durant la crise du Covid-19. D’une grande densité, Occupied City nous rappelle que l’histoire se cache encore à tous les coins de rue, quand bien même il n’en resterait qu’un lointain écho.

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