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« Olga » : haute voltige

  • Éléonore Houée
  • 2021-11-05

Sorti l'an dernier, le premier long métrage d'Elie Grappe suit le destin d'une gymnaste ukrainienne exilée en Suisse durant les événements d’Euromaïdan. Deux batailles se jouent : celle de la démocratie en Ukraine et celle d’une athlète à son plus haut niveau. En écho au contexte actuel, et pour rendre hommage au courage de la jeunesse ukrainienne, le film sera projeté tous les soirs de la semaine au mk2 Beaubourg, à partir du 2 mars.

Devant les barres asymétriques de son centre d’entraînement en Suisse, elle affiche confiance et sérénité, elle virevolte en effectuant ses figures acrobatiques. Quelques minutes plus tard, lorsqu’elle appelle sa mère journaliste restée en Ukraine, Olga fond en larmes comme une enfant apeurée. La jeune athlète de 15 ans a fui le pays en 2013 quand sa mère a été la cible d’une tentative d’assassinat (ses articles dénoncent le régime corrompu de Viktor Ianoukovytch). Peu après, le gouvernement ukrainien a refusé un accord avec l’Union européenne au profit d’un rapprochement avec la Russie : des manifestations pro-européennes se sont alors organisées place de l’Indépendance (« Maïdan » signifie « place ») à Kiev…

Pour son premier long métrage, le prometteur réalisateur français Elie Grappe interroge les tiraillements d’une adolescente, interprétée par la tenace mais non moins sensible Anastasia Budiashkina (qui fait ses débuts d’actrice), partagée entre sa passion de toujours et son lien avec son pays d’origine. Installée en Suisse, où elle s’exerce pour les championnats d’Europe de gymnastique, la jeune fille vit d’autant plus mal cet éloignement qu’elle ne maîtrise pas les langues nationales. Plutôt que de représenter avec enchantement les couloirs du spectacle artistique, le cinéaste expose la difficile intégration d’une athlète étrangère dans une nouvelle équipe. Ceci étant, elle ne sacrifie pas une seconde d’entraînement, dans son combat acharné pour réussir son exercice.

Ses mouvements périlleux et vertigineux déstabilisent d’ailleurs une caméra prise de court par la vitesse et l’agilité de la jeune fille, de même que la mise en scène insiste sur les bruitages : ainsi, les acclamations d’une salle sont étouffées par le bruit de la gymnaste en pleine exécution, le vacarme de la foule est éteint par la maîtrise de l’adolescente. Mais ces sons viennent se heurter à ceux de la répression en Ukraine – les spectateurs croient reconnaître les mêmes sonorités d’un pays à l’autre –, et les figures travaillées d’Olga sur les agrès se confrontent aux images réelles des manifestations de 2013, issues d’archives vidéos trouvées sur YouTube. Toute la réussite du film est là, dans ce savant mélange de réel et de fiction, qui ne masque ni les tensions au sein d’une même fédération sportive ni la brutalité des affrontements en Ukraine. Il fallait absolument un personnage aux épaules larges pour supporter un tel climat anxiogène : dans cet éveil intime et politique, Olga était toute désignée.

Trois questions à Elie Grappe

Comment avez-vous eu l’idée de faire un film sur une gymnaste exilée ?

En 2015, je finissais mes études de cinéma et je faisais un documentaire sur un orchestre et sur l’univers des conservatoires, que je connais bien : j’ai étudié pendant une dizaine d’années la musique classique. Une des protagonistes était une violoniste, arrivée d’Ukraine juste avant le début d’Euromaïdan. La façon dont elle me racontait la révolution et dont les images l’avaient imprégnée jusque dans sa pratique quotidienne me touchait énormément.

L’actrice principale, Anastasia Budiashkina, est vraiment stupéfiante. Comment l’avez-vous choisie ?

Je suis allé dans le centre olympique en Ukraine et j’ai vu Anastasia. Tout le monde se retournait vers nous quand on est arrivés, et il n’y avait qu’Anastasia dans son coin, en train de répéter, folle de rage car elle n’y arrivait pas. Elle avait déjà cette intensité que je n’avais pas envie de contrôler complètement.

Comment avez-vous communiqué avec elle, alors qu’elle ne parlait que russe et ukrainien ?

Avec un traducteur, qui est aussi cinéaste, Artem Iurchenko. Il m’a aidé sur tout le film, de l’écriture au montage. Il y avait aussi Ioulia Shukan, une sociologue, chercheuse et militante féministe de l’université de Kiev. Je voulais m’entourer dès le début de gens qui allaient apporter leur propre regard sur le film.

Olga d’Elie Grappe, ARP Sélection (1 h 27), sortie le 17 novembre

Image (c) Copyright ARP Sélection

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