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« Knit's Island. L'île sans fin » : un captivant survival virtuel

  • Quentin Grosset
  • 2024-03-15

[Critique] Les trois documentaristes qui signent ce film sondent notre rapport au virtuel en se perdant dans un jeu vidéo en ligne survivaliste, DayZ, pour y interviewer les avatars des joueurs. Un film troublant, qui révèle toute l’humanité de cette île d’artifice.

Ils ont passé 963 heures dans ce jeu de survie, qui se déroule dans un monde postapocalyptique peuplé de zombies qui vous attaquent, et dans lequel les joueurs n’ont qu’une seule vie – s’ils sont tués, ils doivent recommencer avec un nouvel avatar. On imagine donc qu’il ne doit pas être aisé de « tourner » un film dans un tel espace, où le danger guette sans cesse l’équipe virtuelle campée par les cinéastes Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgouac’h, qui viennent des Beaux-Arts de Montpellier. Eux avaient déjà l’expérience d’un documentaire, Marlowe Drive, dans lequel ils se promenaient dans GTA V, un univers tout aussi sanglant.

Mais c’est, semble-t-il, la déambulation qui les intéresse ici, bien plus que les coups de feu. Vêtu à la mode survivaliste, le trio baguenaude à vue dans des paysages dévastés, et leur excursion devient presque méditative – même s’ils doivent veiller à ne pas mourir de faim pour rester dans le coup –, comme court-circuitant le dispositif violent du jeu. Alors qu’autour d’eux se créent des communautés hostiles les unes aux autres, ils s’avancent, pacifiques – ils veulent juste faire des interviews.

C’est là qu’est le cœur du film, dans cet antagonisme entre les récits des joueurs ancrés dans le quotidien et l’apparence martiale, spectaculaire, de leurs avatars. Lesquels apparaissent déconcertants, avec leur voix trafiquée par le micro des casques de gaming, leur physionomie 3D un peu pétée et leur expression laborieuse, regards vides et mouvements des lèvres approximatifs. Ils s’affichent aussi dans leur schizophrénie, certains se défoulant en butant tout le monde, avant qu’on les entende parler tendrement à leurs enfants.

Leurs interventions renvoient à une solitude connectée, une recherche de lien, un désir d’évasion. La communauté qui se crée dans DayZ a ceci de particulier qu’elle n’existe souvent qu’en ligne, les participants ne cherchant pas pour la plupart à nouer d’autres formes de socialité ailleurs avec leur team. Et pourtant, leur connexion n’en paraît pas moins profonde : ce jeu, aussi évasif et virtuel soit-il, fait bien partie de leur réalité.

Knit’s Island. L’île sans fin d’Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h, Norte (1h35), sortie le 17 avril.

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